Le 25 avril 1917, une artiste de légende venait tout juste de naître : Ella Fitzgerald. Et autant vous dire que la petite Ella ne s'imaginait pas en arriver là, elle qui se rêvait d'abord danseuse. De Louis Armstrong à Duke Ellington en passant par Nat King Cole, Ella Fitzgerald a côtoyé et performé aux côtés des plus grands, reconnue pour ses grandes capacités d'improvisations et de scat, mais aussi pour sa voix, au timbre si particulier et reconnaissable entre mille. Alors pour lui rendre hommage, Jazz Radio revient sur tout ce que vous ne savez (probablement) pas sur The First Lady of Song.
Un petit coup de chance pour un destin hors norme
Si la petite Ella, passionnée de danse depuis sa plus tendre enfance, a l'occasion de vivre ses premières expériences en musique grâce à l'église, elle grandit aussi dans un environnement économique complexe : la Grande Dépression. Face au chômage qui explose un peu partout dans le pays, un rempart vient apporter un peu de légèreté au quotidien difficile : l'industrie du spectacle, qui apporte du rêve et des paillettes aux âmes en mal d'aventures. Alors pour satisfaire ce "manque", de nombreux clubs et théâtres vont mettre en place des concours pour amateurs.
C'est dans ce contexte que la carrière d'Ella va débuter. Mais c'est grâce à un coup du hasard que le monde entier a découvert son talent. Car au départ, Ella ne se produisait qu'en tant que danseuse aux concours, et pas comme chanteuse ! Mais un soir, alors que la jeune fille participe à une Amateur Nights, Ella et ses amies font un pari : celle qui tire la paille la plus courte va devoir chanter sur scène. Devinez qui a perdu ce soir là...
Une chanteuse huée, devenue une star
Et justement ! C'est grâce à ces concours amateurs que la jeune fille sera repérée, remportant plusieurs d'entre eux. Mais l'un des plus mémorables reste sans doute l'une de ses premières scènes, en 1934, à l'Apollo Theater de Harlem à New York. Et autant vous dire que la jeune fille aurait pu être dégoutée dès le début, au vu des retours qu'elle a eu avant d'offrir sa première performance. Lorsqu'Ella monte sur scène, on la hue. Pire, le maître de cérémonie se moque d'elle et de ses vêtements, elle qui est vêtue d'une robe sale et d'une vieille paire de chaussures.
Alors que le public s'attend à un énième numéro de danse, Ella fait quelque chose qu'elle n'a jamais fait : elle chante. D'une voix puissante, et déjà pleine d'émotions. Un diamant brut qui ne demandera qu'à être taillé. Il faudra attendre deux couplets pour que le public se taise, conscient d'assister à la naissance d'une étoile. Ce soir là, elle va remporter le premier prix de la soirée - soit 25 dollars - et son destin va basculer à tout jamais.
La mère du scat
Reconnue pour sa voix hors norme, Ella Fitzgerald était bien plus qu'une chanteuse : c'était une improvisatrice, avec le swing dans le sang. Mais Fitzgerald, c'est aussi l'artiste qui a popularisé le scat, célèbre technique vocale qui consiste à chanter sans paroles, en imitant du mieux que l'on peut le son produit par des instruments. Mieux : on peut dire qu'elle en est à l'origine, presque comme la "mère" du scat.
L'histoire commence en 1935, alors qu'Ella a 18 ans. Sa vie a radicalement changé puisqu'elle se produit dans l'orchestre de Chick Webb, célèbre batteur et chef d'orchestre. Alors que la jeune fille est sur scène et qu'elle chante un morceau qu'elle connait pourtant très bien, elle oublie les paroles. Un épisode souvent traumatisant pour une jeune artiste débutante. Mais pas pour Ella, qui se met à improviser quelques notes. C'est comme ça qu'est né le scat : d'un simple accident de mémoire.
Il faudra attendre une dizaine d'années pour qu'Ella Fitzgerald développe le scat comme son propre langage, enregistrant des morceaux comme "Flying home" (1945), ou "How high the Moon". Avec cette technique, Ella Fitzgerald devient une instrumentiste, devenant elle même son propre instrument.
Du travail en pagaille
Si Ella Fitzgerald est considérée aujourd'hui comme la "première femme de la chanson", et une légende absolue du jazz, ce statut ne s'est pas acquis d'un claquement de doigts. Alors oui : quand on la voyait performer, on se disait que c'était naturel, et qu'elle n'avait qu'à claquer des doigts pour chanter aussi bien. Mais dans les faits, tout ce qu'Ella Fitzgerald a construit, elle l'a fait grâce à son travail. En effet, la chanteuse travailler tous les jours de l'année, sans prendre vraiment de pauses.
Et cela se ressent dans sa carrière, puisqu'elle a enregistré plus de 200 albums, et environ 2000 chansons. Elle a d'ailleurs tout enregistré : des standards de jazz, mais aussi de la bossa nova, des chansons pop, du gospel et même des chansons de Noël... Certaines années, elle a même sorti entre 20 et 25 disques.
La sororité avec Marilyn Monroe
Entre Marilyn Monroe, icone absolue de beauté et de cinéma, et Ella Fitzgerald, musicienne adorée à l'aura solaire, l'évidence est née d'une admiration mutuelle et d'un passé complexe. En 1954, Ella Fitzgerald se voit refuser l'entrée d'une célèbre boîte de Los Angeles, le Mocambo. Le motif ? Sa couleur de peau. Mais Marilyn en décide autrement : alors déjà fan de la chanteuse, elle use de sa célébrité pour faire entrer Ella, et lui permette de s'y produire, promettant d'assister elle aussi à chaque représentation. Et la recette fonctionne.
Grâce à ce tremplin, Ella va signer de nombreux contrats, bien qu'elle soit toujours cantonnée à emprunter la porte de service, pour "éviter de faire mauvais genre". Mais Marilyn n'est jamais loin, et veille au grain. Cette sororité sincère unit deux icônes que tout semblait opposer. En 1962, Ella est bouleversée par la mort tragique de Marilyn, à qui elle restera éternellement reconnaissante.