Sait-on vraiment comment, Ray Charles, est devenu aveugle ?
Ray Charles fait partie des figures les plus marquantes de la musique américaine. Pianiste, chanteur, compositeur, mais aussi symbole de dépassement de soi, il est devenu, dans l’imaginaire collectif, "l’artiste aveugle, par excellence". Mais sait-on vraiment comment Ray Charles a perdu la vue ?
Une légende persiste : celle d’un petit garçon traumatisé par la noyade de son frère, devenu aveugle à la suite de ce choc émotionnel. Cette version dramatique est notamment mise en scène dans le biopic Ray, réalisé en 2004 par Taylor Hackford, avec Jamie Foxx dans le rôle-titre. Le film montre un jeune Ray assistant impuissant à la mort de son petit frère George, puis, progressivement, perdant la vue dans les mois qui suivent. L’enchaînement narratif est clair : le traumatisme psychologique serait à l’origine de la cécité.
Mais que disent les faits ?
D’un point de vue médical, la cause de la cécité de Ray Charles est bien identifiée : il s’agissait d’un glaucome infantile non traité. Une maladie dégénérative de l’œil qui, sans prise en charge, provoque une perte progressive de la vision. À l’époque — dans les années 1930, en pleine ségrégation dans le sud des États-Unis — l’accès aux soins pour un jeune garçon noir issu d’un milieu pauvre était pratiquement inexistant. La médecine ne pouvait rien pour lui.
Le décès de son frère, survenu alors que Ray avait cinq ans, a certes marqué sa vie de manière indélébile. Mais aucune preuve scientifique ne permet de lier cet événement à la perte de sa vue. Il s’agit d’une coïncidence chronologique, devenue avec le temps une interprétation psychologique - renforcée par Ray Charles lui-même dans certaines interviews, et, plus tard, par la mise en scène dramatique du film.
En somme, le film Ray ne ment pas, mais il opte pour une lecture émotionnelle, symbolique, voire poétique de la vie de l’artiste, en liant le trauma au handicap. Une démarche artistique, pas une vérité médicale.
Aujourd’hui, on sait : Ray Charles est devenu aveugle à cause d’une maladie, pas d’un chagrin. Mais ce qui importe, c’est qu’il n’a jamais laissé cette cécité définir ses limites. Il a vu le monde à sa manière — à travers les sons, les émotions, la musique — et c’est peut-être ce regard là, invisible, qui explique pourquoi on continue, encore aujourd’hui, d’écouter Ray Charles avec autant d’admiration.
