Ella Fitzgerald : les live iconiques de la First Lady of Song

Ella Fitzgerald : les live iconiques de la First Lady of Song

La chanteuse était connue pour tout donner sur scène...

Quand on parle de voix jazz conjuguées au féminin, il existe trois noms qui reviennent, comme une éternelle litanie. D'un côté, il y a Billie Holiday, de l'autre il y a Sarah Vaughan. Et il y a aussi Ella Fitzgerald, celle qui séduisait tout le monde dès qu'elle apparaissait sur une scène. Rassurez vous : Ella savait séduire aussi en studio, mais c'est en live qu'elle déployait toute sa magie et son talent. Alors en hommage à celle qui nous a quittés le 15 juin 1996, Jazz Radio revient sur les performances live les plus emblématiques de la chanteuse même si, soyons honnêtes, chacune de ses performances aurait pu intégrer cet article. 

La passion du scat (Newport, 1957)

Reconnue pour sa voix hors norme, Ella Fitzgerald était bien plus qu'une chanteuse : c'était une improvisatrice, avec le swing dans le sang. Mais Fitzgerald, c'est aussi l'artiste qui a popularisé le scat, célèbre technique vocale qui consiste à chanter sans paroles, en imitant du mieux que l'on peut le son produit par des instruments. Mieux : on peut dire qu'elle en est à l'origine, presque comme la "mère" du scat.  

En 1957, Ella Fitzgerald a déjà 50 ans, et une belle carrière déjà derrière elle. A ses côtés, un allié de taille : l'impresario et producteur Norman Granz, devenu son producteur. S'il fonde le label Verve pour mettre sa protégée sur le devant de la scène, il ne peut pas empêcher tous les incidents techniques et les imprévus sur scène. Alors qu'elle est invitée à jouer à Newport, juste après Billie Holiday, Ella reçoit du mauvais matériel, un micro qui ne fonctionne pas. Malheureusement pour elle, elle n'entend pas bien ses musiciens. Mais loin de se dégonfler, la chanteuse subjugue toute l'assemblée en improvisant en scat, faisant de ce concert, qui aurait pu devenir une catastrophe, une véritable prouesse artistique.

L'hommage à Louis Armstrong (Paris, 1963)

"Mack the Knife" était l'un des titres les plus populaires dans la carrière d'Ella Fitzgerald. Un morceau maintes fois repris d'un standard américain des années 50, popularisé par Louis Armstrong et Bobby Darin. L'un de ses live les plus connus est justement lors de son interprétation de "Mack the Knife", lors d'un concert donné à Berlin en 1960. Alors qu'elle donne le meilleur d'elle même, la chanteuse est soudain prise d'un trou de mémoire. Incapable de se rappeler des paroles, elle décide de faire ce qu'elle sait faire de mieux : improviser

Mais on avait très envie de vous parler de son concert donné trois ans plus tard, chez nous en France, dans la mythique salle de l'Olympia, le 31 août 1963. Quand la chanteuse entonne l'air de "Mack the Knife", elle y glisse un hommage : une imitation très réussie de la voix grave de Louis Armstrong. Une performance, qui sera évidemment saluée d'une salve d'applaudissements. 

La souffrance sublimée (Copenhague, 1965)

Il existe encore de nombreux mystères sur la vie d'Ella Fitzgerald. Des blessures inavouées qu'elle ne révélera jamais, dans une enfance marquée par l'abandon, le deuil et les traumatismes. Une enfant née hors mariage, abandonnée par son père à ses 2 ans, devenue orpheline à ses 15. Son adolescence ne fut pas mieux : recueillie par sa tante, les bruits de couloir disent qu'elle a été plus d'une fois battue par son beau-père. Toute sa vie, Ella évoluera avec des douleurs, comme celle de ne jamais concevoir d'enfants. 

Mais contrairement à son homologue Billie Holiday, dont la souffrance imprégnait chacun de ses morceaux, Ella Fitzgerald a réussi le tour de force de transformer sa douleur en lumière, et ce dès son premier enregistrement. Enregistré avec Chick Webb, A-Tisket, A-Tasket, illustrait déjà cette candeur enfantine. Et peu importe son âge : même à 48 ans, tout semblait léger, comme une bulle de champagne. Sur scène, elle mettait tout le monde d'accord, sa voix portait l'innocence, une force joyeuse qui tuait toute noirceur, toute mélancolie. Un talent brut, si jamais vous en doutiez. 

Le duo du talent (ZDF, Allemagne, 1974)

Dans les années 70, Ella rentre tout doucement dans sa soixantaine, et avec les années, elle se transforme. Amincie, le visage affublé d'une énorme paire de lunettes - elle qui cherche à se rassurer face à sa vue déclinante - Ella Fitzgerald s'éloigne des grands big bands où elle prenait toute la place, préférant l'intimité d'un duo brillant, celui en compagnie du guitariste Joe Pass. Ensemble, ils bouleversent tout. 

Mais la voix, elle, ne vieillit pas, conservant cette chaleur enveloppante, comme une caresse. En live, Ella est au-delà du chant : elle incarne l’âme du jazz. Jusqu’à ses derniers concerts, elle fut plus qu’une immense artiste : une présence aimante, inoubliable.