Plus qu’un simple trompettiste, Erik Truffaz est une légende. Sur la scène du festival Marseille Jazz des Cinq Continents, l’artiste suisse a une nouvelle fois montré toute l’ampleur de son talent. Entre deux sets enflammés, Erik Truffaz s’est confié au micro de Jazz Radio, évoquant ses racines musicales, ses projets à venir et surtout, son admiration profonde pour Chet Baker.
Un lien personnel avec Marseille
Ce n’est pas un hasard si Marseille occupe une place à part dans le cœur du musicien.
« Mon oncle, ma tante, mon cousin et ma cousine habitaient Marseille, et j’y allais beaucoup quand j’étais enfant », se souvient-il.
Plus qu’une ville, c’est un territoire affectif et artistique. Le festival de jazz marseillais lui a souvent tendu la main :
« On m’a beaucoup invité, ce festival m’a aussi donné une création qui me tient à cœur. J’ai fait une pièce vocale pour 8 voix et trompette, composée à Cassis. »
Ce soir-là, une pensée toute particulière accompagne son concert : Sylvain Luc, guitariste récemment disparu, avec qui il partageait sa dernière création marseillaise.
"Rollin'" et "Clap!" : quand le jazz rencontre le cinéma
Dans ses derniers projets, Erik Truffaz rend hommage au cinéma avec deux albums très personnels : "Rollin’" et "Clap!". Un exercice audacieux, puisqu’il ne s’agit pas de ses compositions à l’origine. Mais qu’importe :
« On a retransformé les musiques, donc ça donne l’impression que ce sont mes compositions. Ça sonne comme des disques de Truffaz plutôt que les originaux. »
Une manière subtile de revendiquer une liberté artistique même dans le cadre contraint de la reprise :
« En modifiant les rythmiques et les accords, c’est de la recomposition, ce qui est presque aussi dur qu’une composition originale. C’est un véritable travail de création. »
Un nouveau projet en 2026, avec une voix du monde arabe
L’année prochaine, Truffaz revient à ses propres compositions. Son prochain album attendu courant 2026 mettra en lumière une nouvelle collaboration avec le chanteur égyptien Abdullah Miniawy. Un partenariat prometteur, à la croisée des cultures et des sonorités.
Pour le trompettiste, la voix est un élément central dans sa musique :
« Avoir une voix sur un album, ça le fait respirer. Et si on regarde les statistiques, mes morceaux les plus écoutés sont ceux avec une voix. C’est plus abordable pour un public plus large. »
C’est ce souci de respiration et d’accessibilité qui l’a conduit à intégrer Nya. Une démarche instinctive, jamais calculée :
« On avait un groupe de rap, puis j’ai refait ma musique, et Nya est venu naturellement dans mon groupe. Il se trouve que ça a bien marché. »
Hommage à Chet Baker : l’élégance du son
Quand on lui parle de chanter lui-même, Erik Truffaz se montre humble. Il connaît ses forces :
« Il faut savoir où on est bon et moins bon. Si j’étais un immense chanteur, il y a longtemps que je l’aurais fait. »
Son modèle absolu ? Chet Baker, bien sûr.
« C’est l’un des meilleurs chanteurs et trompettistes du monde. À la trompette, je me rapproche un peu de lui dans le son, mais pas à la voix. Il ne faut pas se comparer et rester là où on est crédible. »
Littérature, scène et sons électroniques
En dehors de la musique, la littérature accompagne ses voyages. Parmi ses lectures favorites : "Du côté de chez Swann" de Marcel Proust ou encore une biographie de John Coltrane signée Franck Médioni. Des compagnons de route, souvent lus dans les airs :
« Dans les avions, je ne prends pas de trop gros livres. Je viens de finir le dernier Joël Dicker, que j’ai adoré. »
Et sur scène ? Le cadre compte. Beaucoup.
« En extérieur, le son part dans le ciel, dans la mer… Il faut être très centré. »
Une exigence mentale qui façonne chaque performance :
« Je suis super concentré, j’écoute tout ce qui se passe, je cherche le bon moment comme un chef d’orchestre. »
Enfin, Erik Truffaz ne cesse jamais d’explorer : il vient de sortir une composition sur l'album du groupe Corbaal, une aventure électronique et chantée, plus pop, où il continue d’élargir les frontières de son art.