Le 23 septembre 1930, le petit garçon Raymond Charles Robinson naissait, dans une période bien sombre de l'histoire, entre la Grande Dépression économique et la ségrégation raciale. Personne ne le savait à l'époque, mais ce jour-là, c'est un petit garçon solaire, porteur d'une identité forte et un futur génie de la musique, qui venait de naître. Entre temps, celui que l'on appelle Ray Charles, mais aussi "The Genius" ou "Brother Ray" a montré qu'il était une légende de la musique noire américaine, touchant autant au jazz qu'au blues, en passant par le gospel, le rhythm and blues et la soul, lui que l'on considérait comme l'un des pères fondateurs de ce genre musical.
Alors à l'occasion de cet anniversaire, Jazz Radio voulait revenir sur ses duos les plus marquants, afin de vous faire vibrer en même temps que nous et de célébrer son génie comme il se doit !
Ray Charles et Henri Salvador
Nous sommes le 12 février 1996, alors en pleine cérémonie des Victoires de la Musique. Le public ne le sait pas encore, mais il s'apprête à vivre l'un des moments les plus légendaires de son histoire. Ce soir-là, deux idoles se retrouvent sur scène. D'un côté, il y a Ray Charles, légende vivante de la soul, et de l'autre, il y a Henri Salvador, figure incontournable de la chanson française. Ensemble, il forment un duo aussi inattendu qu'évident, performant sur le morceau "Le blues du dentiste", sur des paroles de Boris Vian. Si tout semble les opposer, leur complicité naît immédiatement.
Fidèle à sa légereté, Salvador va multiplier les blagues et les jeux de mot... Que Ray Charles, qui ne parle pas un mot de français, ne va absolument pas comprendre. Mais, emporté par la fougue et l'énergie de son compagnon d'un soir, il va partir en éclats de rire, sous le regard ému mais surtout hilare du public, conscient qu'il est en train d'assister à un moment hors du temps. Plus qu'un simple duo musical, ce moment de télévision est devenu un vrai symbole de grâce et de connexion humaine.
Ray Charles et Dee Dee Bridgewater
Il y a des célébrités qui, quand on les rencontre, nous mettent dans un état de transe, mais aussi de stress. Et on imagine aisément dans quel état devait être Dee Dee Bridgewater quand elle a rencontré Ray Charles pour la première fois. Si la chanteuse de jazz connue pour sa voix puissante était loin d'être débutante, elle en garde un souvenir particulièrement fort. L'histoire se passe en 1986. A cette époque, la chanteuse fait la première partie de Ray Charles au Palais des Sports, et le stress est à son maximum. Mais l'interaction qu'elle a eue avec le roi de la soul l'apaise directement : ce dernier lui aurait pris la main droite, et aurait placé ses doigts "pendant presque vingt minutes". Un moment chargé en émotions, inoubliable pour Dee Dee.
Quelques années plus tard, en 1989, les deux artistes enregistrent ensemble "Precious Thing", un duo tout en délicatesse écrit par Ronnie Bird et composé par Pierre Papadiamandis. Un duo qui marquera les fans du chanteur, tant elle montre une autre facette de son travail d'artiste, entre délicatesse et sensibilité, aux côtés d'une voix jazz qui épouse à merveille sa soul. Un titre qui trouvera très vite grâce aux yeux du public français puisqu'à sa sortie, il se classera 19ème du Top 50 et y restera pendant 14 semaines.
Ray Charles et Aretha Franklin
Imaginez réunir au même endroits deux icones absolues de la musique noire américaine. Deux idoles qui sont mues par les mêmes passions, les mêmes combats, et qui ont bien plus d'un point commun. Mais le plus grand réside surtout dans leur amour pour une musique, celle qui chante la croyance et soulage les âmes : le gospel. De son côté, Ray Charles, qui est né en Floride, s'initie au chant religieux très vite, avant de transformer ces prières en hymnes dédiés à l'amour et au désir, ce qui donnera naissance à la soul. Quant à Aretha Franklin, elle est fille de révérend, et a passé toute son enfance sur les bancs d'église, à chanter les louanges de Dieu et ce dès l'âge de 12 ans.
Mais ils ont aussi vécu la souffrance et la douleur. La cécité et l'absence d'un père d'un côté, la perte précoce d'une mère pour l'autre. Mais plutôt que d'en faire une faiblesse, les deux en ont fait leur moteur. Quand leurs voix s'entremêlent dans un duo, c'est toute l'Amérique qui vibre avec eux. Une Amérique noire qui s'exprime, entre douleur et ferveur, dignité et joie. Un duo symbolique, et inoubliable.
Ray Charles et Norah Jones
Petite mise en situation : vous êtes une star montante de la musique, et votre voix, teintée de blues et de jazz, séduit les mélomanes du monde entier, et soudain, c'est Ray Charles en personne qui vous contacte pour enregistrer un morceau. Le stress est palpable, et à raison. Les deux artistes se rencontrent au début des années 2000, alors que Ray Charles prépare l'album qui deviendra son tout dernier volume, sorti en 2004. Avec sa santé fragile, le musicien souhaite pourtant enregistre des duos avec des voix issues de toutes les générations et d'univers très différents. Et c'est tout naturellement qu'il a pensé Norah Jones, qui a ensorcelé la planète entière avec son succès planétaire "Come Away with Me".
Leur rencontre est timide, mais ponctuée d'une admiration commune. Ensemble, ils vont enregistrer le titre “Here We Go Again”, une ballade douce-amère reprise du répertoire de Charles, sublimée par la complicité de leurs deux voix. La chanson devient l’un des titres phares de l’album et sera couronnée par le Grammy Award du Record of the Year en 2005.