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Pourquoi Otis Redding a-t-il repris "Satisfaction" des Rolling Stones ?

Pourquoi Otis Redding a-t-il repris "Satisfaction" des Rolling Stones ?

Une nouvelle histoire, racontée par Benoit Thuret

Otis Redding, cette figure emblématique de la soul américaine, est aujourd’hui reconnu comme l’un des artistes les plus influents des années 60.

Mais saviez-vous qu’il a été l’un des premiers à oser s’approprier un tube rock britannique pour en faire une relecture radicalement différente ? Retour sur l’histoire de sa reprise surprenante de "Satisfaction" des Rolling Stones.

Lorsque les Rolling Stones sortent "Satisfaction" en juin 1965, la chanson devient instantanément un hymne pour la jeunesse occidentale. Avec son riff de guitare devenu légendaire et ses paroles exprimant l’ennui et la frustration, le morceau s’impose comme une référence du rock contestataire. Mais quelques mois plus tard, à Memphis, un certain Otis Redding entre en studio. Et contre toute attente, il décide de reprendre Satisfaction, à sa manière.

Pour comprendre ce choix, il faut se replacer dans le contexte. Otis Redding est alors une étoile montante du label Stax Records, concurrent direct de la Motown. Sa voix puissante et rugueuse incarne une soul authentique, profondément ancrée dans le vécu afro-américain. En s’attaquant à un morceau des Stones, Redding ne cherche pas simplement à faire une cover : il opère une réinterprétation totale.

Dans cette version, le fameux riff de guitare est remplacé par une section de cuivres explosive. Le rythme est plus soutenu, plus dansant, et Otis Redding modifie même les paroles, improvisant parfois au gré de l’énergie du morceau. Il avouera plus tard ne pas connaître les paroles exactes — ce qui ne l’a pas empêché d’en capturer l’essence avec force.

Le résultat ? Une chanson totalement transformée. Le message de frustration devient ici plus physique, plus viscéral, plus sensuel. Et la frustration d’un jeune homme blanc face à la société de consommation prend, dans la bouche d’un chanteur noir du sud des États-Unis, une résonance bien plus large, liée aux réalités sociales et raciales de l’époque.

Otis Redding n’a pas été le seul à revisiter Satisfaction. En 1968, Aretha Franklin livre une version survoltée, ultra-rythmée, où sa voix impose une intensité presque militante. James Brown, lui, en fait un terrain d’improvisation sur scène, tandis que les Staple Singers ajoutent une touche gospel à cette complainte rock devenue soul. Autant de preuves qu’un bon morceau peut changer d’aspect… et parfois même, de sens.