Les 6 raisons qui font de Keith Jarrett un génie du jazz

Les 6 raisons qui font de Keith Jarrett un génie du jazz
Instagram @keithjarrettsolo

Un artiste, aujourd'hui devenu une référence incontournable sur la scène musicale actuelle

2025 est une année charnière pour le pianiste Keith Jarrett. D'une part, parce que cette semaine, le 8 mai, le musicien va franchir un cap symbolique : celui de ses 80 ans. Mais ce dernier va aussi fêter un autre anniversaire, tout aussi important : les 50 ans de l'un de ses shows les plus emblématiques, le légendaire "Köln Concert". Autant de bonnes raisons pour s'intéresser de près au musicien et sincèrement se poser la question : en quoi Keith Jarrett est un génie du jazz ? Pour vous, Jazz Radio va mener l'enquête, et tenter d'y répondre le plus objectivement possible.

Un virtuose du piano

Pour Keith Jarrett, la musique commence très tôt. Plus précisément, à l'âge de 3 ans, alors qu'il se lance dans ses premières improvisations sur le piano droit du salon familial. Entouré d'une professeure d'origine russe, elle décèle en lui une oreille absolue, mais aussi un talent brut, qui lui fera très vite dire qu'un jour, l'élève dépassera le maître. La famille du jeune Keith s'émerveille de son talent : la légende raconte qu'à la demande de sa tante, l'enfant aurait traduit le ruissellement d'un cours d'eau en musique. Il va donner son premier récital à 7 ans.

En grandissant, Keith Jarrett va suivre des études au conservatoire en musique classique, tout en continuant d'explorer. Ce mélange de formation classique et de liberté créative va devenir sa future signature musicale. Sa capacité à transformer un concert en voyage intérieur, son toucher subtil, sa maîtrise harmonique et sa liberté rythmique font de lui un pianiste unique

Le roi de l'improvisation

S'il y a bien une caractéristique qui définit Keith Jarrett, c'est son sens de l'improvisation, notamment en solo. Et quel meilleur exemple que le fameux "Köln Concert" pour parler de son incroyable capacité ? Invité à jouer à Cologne en 1975, rien ne prédestine l'artiste à jouer, car les conditions sont loin d'être idéales : un piano de mauvaise qualité, beaucoup de fatigue accumulée et des douleurs au dos. Mais après négociation, Jarrett accepte finalement de jouer, et improvise alors ce qui deviendra l'un de ses plus grands concerts, avec une composition à la fois hypnotique et fluide, où vont se mêler jazz, classique, gospel et minimalisme. Cet enregistrement donnera lieu à un des albums de piano solo les plus vendus de l'histoire du jazz

Pour lui, improviser, c’est "laisser la musique se révéler ", sans plan ni filet, en se mettant à l’écoute de l’instant. Une démarche audacieuse, qui contraste avec son héritage classique. Son approche repose sur une concentration extrême, une ouverture totale à l’inconnu et un profond respect du silence, qu’il considère comme le point de départ de toute création. Avec Jarrett, l’improvisation devient presque un acte spirituel.

Une musique à la frontière des genres

Si Keith Jarrett ne renie absolument pas son héritage classique, lié à sa formation au conservatoire, il est le premier à transcender les frontières du jazz traditionnel, en intégrant à la fois des éléments de la musique classique, du gospel mais aussi des pièces plus minimalistes, capable de naviguer avec une aisance rare entre les différents genres.

Dans sa musique, Keith intègre naturellement Bach, Mozart ou Chostakovitch dans son jeu, mais sans jamais se limiter à un seul langage musical. En effet, il est ce que l'on appeler un explorateur de l'avant-garde : il n’hésite pas à utiliser des clusters, des dissonances ou même des motifs répétitifs inspirés du minimalisme. Cette fusion de styles se retrouve dans ses concerts en solo, où il improvise librement, passant d’un univers à l’autre avec une fluidité déconcertante. Chez lui, le jazz n'est pas synonyme de restriction, mais bien de liberté absolue. 

Des collaborations avec les plus grands

Au fil de sa (longue) carrière, Keith Jarrett a eu l'occasion de jouer en compagnie des plus grands, se façonnant ainsi une réputation de musicien visionnaire et de bon camarade. Dans les années 1960, le pianiste va rejoindre le quartet de Charles Lloyd, où il va se faire remarquer pour son jeu aussi inventif qu'expressif. Ensuite, il va intégrer le groupe de Miles Davis, devenant l'un des explorateurs du jazz fusion sur des albums comme Live-Evil.

Mais c’est avec ses propres trios et quartets qu’il va s'imposer réellement sur le devant de la scène musicale, notamment avec son célèbre Standards Trio. Accompagné du célèbre contrebassiste Gary Peacock et du batteur Jack DeJohnette le trio devient rapidement l’un des plus importants ensembles de jazz moderne, revisitant les standards, entre élégance et liberté. Dans un autre registre, Jarrett a aussi enregistré de superbes disques en duo avec le saxophoniste Jan Garbarek, dans un univers qui mêle jazz et musique nordique.

Une influence évidente sur le jazz contemporain

En laissant davantage de place à l'improvisation dans sa vision de la musique sans oublier son exigence artistique, Keith Jarrett a profondément influencé le jazz moderne. En mêlant jazz, musique classique, gospel et avant-garde, le musicien a ouvert la voie à de nouveaux modèles musicaux, davantage éloigné des structures plus conventionnelles. Son sens du lyrisme, sa capacité à faire résonner chaque note et sa rigueur technique ont fait de lui une référence, autant dans le jeu en solo, que celui en trio ou en quartet. 

Encore aujourd'hui, de nombreuses générations de musiciens le citent comme inspiration, de Brad Mehldau à Tigran Hamasyan, en passant par Aaron Parks ou Vijay Iyer. Tous saluent sa capacité à fusionner les genres de façon naturelle, et ce sans jamais perdre de vue l’émotion. 

Un artiste multi récompensé 

Tout au long de sa carrière, l'artiste a reçu de nombreuses distinctions pour ses contributions au monde de la musique. Il a notamment été récompensé plusieurs fois par le prestigieux DownBeat Jazz Hall of Fame, et ses albums sont régulièrement primés dans les classements du magazine. En 2003, il a reçu le Polar Music Prize pour l'ensemble de son oeuvre, un prix que l'on assimile très souvent au prix "Nobel de la musique".

Jarrett a aussi été honoré par la Deutsche Schallplattenkritik en Allemagne, et a obtenu plusieurs Grammy Awards, notamment pour ses performances en solo, mais aussi pour ses albums avec le Standards Trio. En France, il a aussi été fait Commandeur des Arts et des Lettres, reconnaissance très rare pour un musicien américain