Quand on pense au jazz, le nom de John Coltrane revient souvent. Parce qu'il n'était pas qu'un brillant musicien, capable de jouer plusieurs instruments avec brio, ou un compositeur de génie : il était surtout un explorateur, qui ne cessait de se réinventer. Le 17 juillet 1967, ce génie du saxophone rendait son dernier souffle, laissant le monde de la musique éploré. Alors à l'occasion de cette date anniversaire, Jazz Radio voulait lui rendre hommage en vous racontant des anecdotes méconnues sur l'artiste.
La musique dans la peau
Il y a des musiciens qui tombent dans la musique tardivement, après avoir découvert un artiste sur scène. Et il y en a d'autres qui tombent dedans dès leur plus jeune âge, un peu comme Obélix dans la marmite de potion magique. C'est le cas du petit Coltrane, qui grandit dans une famille où la musique est reine : son papa est violoniste et clarinettiste, et sa mère est pianiste, alors dès son plus jeune âge, le jeune garçon est entouré d'instruments de musique.
Son premier instrument de prédilection ? Sa voix. Très jeune, il va intégrer l’Église africaine méthodiste épiscopale Zion, où son père officie en tant que révérend. C'est là aussi il va s'imprégner des sonorités gospel, que l'on retrouvera sans cesse dans son œuvre musical, mais c'est aussi à cette époque qu'il s'initiera à la spiritualité, thématique chère à son cœur.
A 12 ans, il va aussi apprendre la clarinette et le saxophone alto. Trois ans plus tard, il intègre le groupe musical de son école, se révélant particulièrement doué. A ce moment là il le sait : il veut devenir musicien de jazz professionnel. A ses 17 ans, il rejoint l’Orenstein School of Music de Philadelphie, puis les Granoff Studios afin de perfectionner sa technique. Pari réussi puisque deux ans plus tard, en 1945, il monte pour la toute première fois sur scène avec le groupe de Jimmy Johnson. Un point de départ d'une carrière exceptionnelle constamment nourrie par sa curiosité et sa maîtrise technique.
"A Love Supreme" : l'œuvre iconique
Certains s'en souviennent encore : le 7 février 1965, John Coltrane bouleversait le monde entier avec la sortie de son album devenu culte, A Love Supreme. Un opus iconique, témoin d'une époque, mais surtout d'une alchimie rare entre Coltrane et son quatuor légendaire, avec McCoy Tyner au piano, Jimmy Garrison à la contrebasse, Elvin Jones à la batterie.
Conçu comme une suite en quatre mouvements (Acknowledgement, Resolution, Pursuance, Psalm), A Love Supreme est bien plus qu’un album de jazz : c’est une véritable prière musicale, une quête spirituelle intense et vibrante. À travers cette œuvre, Coltrane exprime toute sa gratitude envers une force divine, dans une démarche presque mystique qui marquera un tournant décisif dans sa carrière.
L’album a immédiatement trouvé son public, malgré son caractère avant-gardiste, et reste l’un des rares disques de jazz expérimental à avoir connu un tel succès critique et populaire. En 2025, pour célébrer ses 60 ans, le label Impulse! en propose une réédition vinyle en pressage diamant, qui a conquis le cœur des mélomanes.
Mais s'il vous fallait encore une preuve de son génie, il faudrait vous inviter à faire un bond dans le temps, le 9 décembre 1964. Il faudrait vous laisser franchir les portes du studio Van Gelder, dans le New Jersey pour assister à l'enregistrement de l'album, qui a été enregistré en une seule prise.
John Coltrane : le mariage de la spiritualité et de la musique
Pour John Coltrane, la musique est bien plus qu'un simple divertissement : elle est teintée de spiritualité, de symboles, de revendications. Et forcément, quand on grandit dans un environnement où les chants gospel se mêlent aux prières de son père révérend, la religion prend tout son sens. Pourtant, l'homme va céder à ses démons, et va tomber dans la drogue. Mais comme il le dit lui même : c'est Dieu qui l'a sauvé.
Alors que le musicien traverse une période sombre dans les années 50, marquée par sa consommation excessive d'héroïne, il va vivre une expérience mystique unique. Reclus dans une pièce, alors qu'il essaye de se sevrer de façon assez brutale, il affirme avoir entendu la voix de Dieu. Cette révélation va le transformer à tout jamais : sa musique va permettre d'élever les âmes.
Dès la sortie de son album A Love Supreme (1965), Coltrane glisse dans sa musique des message sacrés. Fasciné, transcendé, il explore le Coran, la Bible et la Kabbale, mais aussi l’hindouisme, le bouddhisme zen ou encore les écrits de Krishnamurti : tout le nourrit. Des œuvres comme Meditations, Om ou Ascension témoignent de cette recherche intérieure. Om, notamment, puise dans les textes hindous et bouddhistes, et fait du son primordial un symbole de l’univers.