2025 aura véritablement éprouvé le moral de tous les amateurs de jazz, de soul et de blues, avec un nombre de décès assez impressionnant. Des disparitions qui sont autant de petites blessures pour le public jazz, qui perd ses artistes préférés, même si heureusement nous avons toujours la possibilité d'écouter leurs œuvres pour adoucir nos peines. Aujourd'hui, on a appris la disparition de la chanteuse Sheila Jordan, qui nous quitte à l'âge de 96 ans.
Un décès survenu le 11 août à New-York, et sur lequel nous n'avons pas plus de précisions. Ce qu'on sait en revanche, c'est que sa mort nous prive d'une des artistes de jazz les plus atypiques de l'histoire de cette musique. Un véritable OVNI dans l'univers du jazz vocal et du bebop, avec une voix extrêmement singulière, qui a fait ses classes en fréquentant les clubs de jazz dans lesquels se produisaient d'autres légendes comme Charlie Parker, Miles Davies, ce qui lui a probablement donné son goût prononcé pour la création et l'improvisation.
Elle deviendra d'ailleurs un véritable modèle pour Charlie Parker, qui l'appelait "the singer with million dollar ears", un surnom qui montre bien à quel point elle arrivait toujours à trouver le ton juste pour sa voix, grâce à son sens de l'écoute. Cette native de Detroit aura eu un début de vie difficile, elle qui est née dans une famille modeste, principalement élevée par ses grands-parents, puisqu'elle déclarera en interview que sa mère avait accouché lorsqu'elle n'avait que 17 ans, et que son père ne l'avait épousée que pour "lui donner un nom", avant de quitter le foyer rapidement. La carrière musicale de Sheila Jordan débutera réellement à la fin des années 40, dans les clubs de Detroit, avant de se faire un peu plus connaître à New-York pendant les 50's, où elle montait sur scène uniquement accompagnée d'une contrebasse pour laisser toute la place à sa voix claire et son sens de l'impro.
La chanteuse sortira son tout premier album "Portrait of Sheila" en 1963, le premier album de jazz vocal à sortir chez le célèbre label Blue Note. Devant le relatif échec commercial du projet, qui avait pourtant reçu d'excellentes critiques, et est devenu un classique du genre, elle continue à travailler en parallèle de sa carrière de musicienne, jusqu'à ce que la reconnaissance internationale arrive, dans les années 80/90, avec des tournées mémorables en Asie et en Europe.
Elle aura continué sa carrière jusqu'à la fin de sa vie, puisqu'en février dernier, elle nous sortait encore un nouvel album, "Portrait Now", et montait sur scène pour la dernière fois. Sheila Jordan aura été un modèle pour toutes les générations futures d'artistes de jazz vocal, elle dont la voix tout-terrain, tantôt puissante, tantôt fragile, mais toujours touchante, était un véritable instrument, capable d'interpréter des lignes mélodiques grâce à un sens de l'écoute incroyable et une sensibilité musicale unique.
Ce n'est d'ailleurs pas un hasard si elle a enseigné le chant à plusieurs générations d'élèves, au sein du très prestigieux City College Of New York notamment, et qu'elle a été décorée d'un NEA Jazz Masters en 2012. Une véritable passionnée, pour qui la musique n'était que partage et écoute, qui nous manquera cruellement.
